Je vais sûrement bientôt mourir
«Chic elle va arrêter d'embêter tout le monde celle là.» vont dire certains.
«Cool je vais enfin pouvoir rejoindre mon poisson rouge Kiki que j'avais tué quand j'avais 5 ans et mon chat Birouche qui est mort quand j'en avais 12.» ai-je dit lorsque je me suis annoncée la nouvelle à moi même.
En fait, il se passe que depuis une dizaine de jours, j'ai extrêmement mal dans les articulations des genoux. Parfois je reste coincée quand je me suis baissée, je ne peux plus me relever, c'est très ennuyeux.
Un peu comme si mes genoux se fossilisaient.
Ca a commencé par le gauche, puis maintenant c'est les deux. J'ai bien cherché d'où ça pouvait venir, mais j'ai pas trouvé.
Ce n'est certainement pas dû à un excès de sport, car si j'abîmais mon corps à cause du sport, ça se saurait. Cela dit, je me suis dit que si j'avais été championne de ski à l'heure qu'il est, j'aurais pu dire adieu à ma carrière et ça aurait été vraiment horrible.
Fort heureusement pour moi il n'en est rien vu car j'ai toujours détesté le ski et la montagne.
J'ai pensé que je faisais peut-être de l'arthrose des genoux, mais à mon si jeune âge (22 ans, bientôt 28) c'était une idée complètement folle.
J'ai aussi pensé que j'avais attrapé un cancer des genoux, mais quand j'ai soumis cette hypothèse à Séb, il m'a dit que ça n'existait pas, que cette fois, ce n'était pas l'idée, mais moi, qui était complètement folle.
Je n'ai pas non plus écarté la possibilité que je pouvais être atteinte de la même maladie que certaines marques de chien, qui en vieillissant se retrouvent paralysés des pattes arrières, mais Séb a rigolé.
Bon.
J'ai réfléchi à tout et envisagé le pire: si je restais comme ça, subissant une dégénérescence avancée de mes deux genoux, peut-être qu'un matin, je ne pourrai plus jamais me lever parce que je serai devenue paraplégique.
Je ne pourrai plus aller travailler, parce que les fauteuils roulants ne passent pas les grilles du métro et que je n'ai pas d'ascenseur chez moi.
Du coup, je serai alors virée, je deviendrai donc pauvre, et je n'aurai plus les moyens d'acheter des Smacks Tresor et du thé Marco Polo de chez Mariage Frère.
Contrainte à boire du Lipton Yellow et à manger des céréales au maïs transgénique LIDL, je me verrai donc dans l'obligation de faire du billet sponsorisé pour des marques de lessive ou de vibromasseurs afin de gagner une vingtaine d'euros par mois.
Cela ne suffisant pas, mon propriétaire me mettrait rapidement à la rue, et je me trainerai jusque dans les couloirs du métro afin de jouer du Stevie Wonder et du Van Halen avec ma flûte à coulisse pour gagner quelque pomme et boite de surimi, données chaleureusement par des passants compatissants.
Mes genoux se réduiraient rapidement en poudre et peu de temps après on m'amputerai des deux jambes.
N'ayant plus besoin de porter de chaussures, je vendrai toutes les paires que je ne mettais pas ou que je ne mettrai plus, et avant de mourir sous un pont, je pourrai une dernière fois m'acheter un paquet de Smacks Trésor et de thé Mariage Frère.
Bon, ça c'était la version «Catastrophe». Attendez bougez pas, j'en ai une moins pire. Je recommence:
J'ai réfléchi à tout et envisagé le pire: si je restais comme ça, subissant une dégénérescence avancée de mes deux genoux, peut-être qu'un matin, je ne pourrai plus jamais me lever parce que je serai devenue paraplégique.
Je ne pourrai plus aller travailler, parce que les fauteuils roulants ne passent pas les grilles du métro et que je n'ai pas d'ascenseur chez moi.
Du coup, je serai alors virée, et ce serait le bonheur, parce que je n'aurai plus à me farcir cette connasse de stagiaire, et comme j'ai souscrit à une assurance maladie très intéressante, je serai tout de même payée plein pot tout en étant handicapée.
Comme je ne pourrai plus sortir, je resterai chez moi toute la journée à jouer à Street Fighter, Animal Crossing et Mad World, à lire, à regarder des films, des séries et des documentaires animaliers à la télé en mangeant les champishrooms hallucinogènes qui poussent dans mon placard.
Et à la fin, quand j'en aurai marre, je ferai une overdose d'Efferalgan Codéiné et de cocaïne frelatée devant un bon vieux western ou un concert de Miles Davis, puis j'irai rejoindre Kiki et Birouche au paradis.
«Tout de même, il faudrait que tu ailles voir un spécialiste au lieu de raconter que des conneries, m'a suggéré Séb hier. Il pourra sans doute te dire VRAIMENT ce que tu as.»
«Je sais très bien ce que j'ai Séb. J'ai trouvé pourquoi j'avais si mal aux genoux.
- Ha bon? Et pouquoi?
- Je pense que j'ai dû prendre deux balles perdues. Lors du raid avec Tony et Djack la dernière fois. Je m'en suis pas rendue compte tout de suite... mais les balles ont dû transpercer mes genoux quand j'étais occupée à descendre tout le monde à la tronçonneuse.
- Et pourquoi y'a pas de plaies????
- Parce que les blessures se sont refermées rapidement et que je m'en suis pas rendue compte tout de suite.
- Ha.
- Séb: j'ai probablement deux balles qui sont logées dans les genoux, responsables actuellement de la dissolution de mes rotules. Je n'ai aucune envie de rester clouée sur un fauteuil roulant pour le reste de mes jours, je ne vois plus qu'une solution...
- Prendre un rendez-vous avec un rumathologue par exemple?
- Non: prendre un rendez-vous avec Oscar Goldman.
- Qui ça???
- Oscar Goldman. Celui qui a mis des jambes bioniques à Steve Austin et quand il courait ensuite, ça faisait «kkkrrrrrkkkkkkrrrrrkkkkkrrrrrrkkkkrrrrrkkkkkkrrrhhhh»
-...
- Quoi?
- Rien.
- Non mais quoi? J'ai dit quoi?
- Rien j'te dis.»